Jean Marsia, ein langjähriger Teilnehmer der Hertensteiner Gespräche, nimmt erneut Stellung zu Europa, einer gemeinsamen europäischen Verteidigung und zur NATO.
Sie können gleich bei den 9. Hertensteiner Gesprächen persönlich mit ihm darüber sprechen und diskutieren. Dieses Mal bringt er einen weiteren Mitstreiter nach Heilbronn und in formiert zusätzlich über die Société européenne de défense AISBL – S€D, deren Präsident er ist.
L’Europe fut un nain politico-militaire lors du Conseil atlantique ; elle le reste !
Par Jean MARSIA, président de la Société européenne de défense AISBL (S€D)
Le mois de juin écoulé a vu l’Europe régresser plutôt que progresser, en particulier dans le domaine de la sécurité et de la défense. La montée des périls n’échappe pas à la grande majorité des citoyens, mais les politiciens n’en ont cure. M. Rutte s’est distingué, au mauvais sens du terme, lors du Conseil atlantique. Le président du Parti populaire européen (PPE) a fait état de sa méconnaissance des questions de sécurité et de défense. Le président Macron poursuit son parcours calamiteux et les débuts du Commissaire européen à la Défense et à l’Espace, M. Kubilius, sont très peu convaincants. Le sénateur français Malhuret sauve l’honneur, car il n’est pas inféodé à la particratie. La Commission européenne n’a pas les moyens de sa politique, et cela va s’aggraver, car elle va devoir commencer à rembourser l’emprunt qu’elle a souscrit pour relancer l’économie après la pandémie. Restons néanmoins confiants et motivés à sortir l’Europe du marasme actuel.
Le funeste Conseil atlantique de La Haye
Il reste du Conseil atlantique des 24 et 25 juin à La Haye l’image d’une Europe qui se laisse mener par le bout du nez en matière de politique étrangère et de défense par son « partenaire » américain. Elle devrait plutôt s’en affranchir, car nos intérêts divergent, notamment parce que D. Trump nous fait une sévère guerre commerciale, à coups de droits de douane et parce qu’il nous fait payer de plus en plus cher une garantie de sécurité de plus en plus aléatoire.
Le Secrétaire général de l’OTAN, M. Rutte, a humilié les Européens en étant trop flatteur, et même trop flagorneur, avec le président américain. Il a dépassé les limites de la servilité. Il s’est vanté d’avoir forcé tous les Européens à accepter l’obligation d’affecter 3,5 % de leur PIB à la défense et 1,5 % à la sécurité, au plus tard en 2035, tandis que les Américains programment leur désengagement d’Europe, pour pouvoir concentrer leurs forces face à la Chine.
La question se pose de savoir, compte tenu de l’endettement de la plupart des États européens, quelles sont les budgets qui vont être réduits pour compenser la croissance des dépenses de défense ? La sécurité sociale ? L’éducation ? La santé ? Les pensions ? Certains États n’ont sans doute pas l’intention de tenir leur promesse faite à La Haye, car il est question de ne faire le point à ce sujet qu’en 2029, après la fin du mandat présidentiel de D. Trump.
Plutôt que d’importer des États-Unis d’Amérique, ce qui réduit notre produit intérieur brut, des armes dont l’obsolescence est patente sur les champs de bataille ukrainiens, ou dont le délai de livraison est extrêmement long, dans l’espoir d’obtenir des tarifs douaniers moins défavorables, il faudrait que nous devenions plus autonomes. Les politiciens au pouvoir en Europe n’en prennent pas le chemin, car ils sont très peu compétents en matière de sécurité et de défense.
Un président du « Parti populaire européen » peu clairvoyant en matière de défense
C’est particulièrement le cas de M. Manfred Weber, le président du « Parti populaire européen », le groupe politique les plus important au Parlement européen, qui rassemble des partis qui gouvernent la plupart des pays d’Europe. Dans un interview récent,[1] il a dit (je traduis du néerlandais) que « La mission historique de notre génération est de faire de l’Union européenne (UE) une Union de la défense, dotée d’une politique étrangère véritablement commune ». Il ne fait pas de doute depuis 1992 que l’Europe devrait pouvoir mener une politique étrangère, c’est inscrit dans le traité de Maastricht, mais les politiciens n’ont jamais fait réellement le nécessaire. C’est pourquoi le Service européen d’Action extérieure n’est guère pris au sérieux sur la scène internationale. M. Weber, comme tant d’autres, semble ne pas réaliser qu’une Union n’est pas un État. Elle ne saurait donc pas mener une politique étrangère commune, créer une armée européenne, ni même standardiser nos armements.
- Weber reconnaît que l’UE ne joue aucun rôle dans la défense et la politique étrangère et que personne dans le monde ne se soucie de ce que les Européens disent. Il n’y a pour lui aucun doute que la voix européenne devrait être entendue et que 340 millions d’Américains ne continueront pas à défendre 450 millions d’Européens. Il observe que 40 % du commerce de l’UE passe par la mer Rouge et le canal de Suez ; pour les Américains, ce n’est que 4 %. Il dit que si nous voulons protéger nos intérêts économiques contre les missiles des Houthis, nous devons prendre nos responsabilités ensemble sur la scène mondiale. Il estime que nous devons nous défendre nous-mêmes. Il reconnaît la nécessité urgente d’une intégration poussée des industries et des armées nationales. Il déplore que nous gaspillions des milliards d’euros parce que nous avons environ dix-sept types de chars différents en Europe et un seul en Amérique ; que la même fragmentation peut être observée dans les frégates, les avions de chasse et les obus. Pour M. Weber, la coproduction et l’appel d’offres en commun sont une nécessité absolue.
Ces constats étant corrects, pourquoi ne fait-il rien pour que cela change ?
- Weber sait à quel point de grandes armées nationales et des partis nationalistes forts sont dangereux. Il estime que les hommes politiques doivent dire aux citoyens que s’ils veulent une Europe sûre, les armées nationales doivent être placées sous un parapluie européen, mais il ne fait rien pour constituer ce parapluie. Il prétend rendre irréversible l’intégration européenne des industries de défense et de la politique étrangère, afin que nous ne puissions plus revenir à l’égoïsme national, au nationalisme, mais il ne propose rien de crédible pour ce faire. Lorsque l’interviewer lui demande qui sera aux commandes de la défense européenne, il ne répond pas comme le chancelier Kohl qu’il faut l’union politique de l’Europe, ce que malheureusement le président Mitterrand a refusé. M. Weber dit être favorable à une armée européenne, fondée sur des armées nationales, avec des armes européennes et une structure de commandement européenne, mais seulement « à long terme », alors que les services de renseignement alertent sur le risque d’une agression russe en Europe dans quelques années seulement. L’armée européenne de M. Weber, c’est du vent.
- Weber a cependant raison de dire qu’une armée européenne ne signifierait pas la fin de l’OTAN, que le pilier européen de la défense devrait être intégré dans l’alliance. Mais sa conception de ce que devrait être ce pilier européen de l’Alliance est incohérente. Il voudrait commencer à l’est, par un bouclier antimissile contre les missiles russes, une protection contre les cyberattaques et le sabotage ou encore des systèmes satellitaires d’observation de la terre, pour que nous sachions où et comment les Houthis attaquent nos navires. M. Weber tente de construire une maison en commençant par le toit.
Le groupe « Parti populaire européen » qu’il préside a organisé le 2 juillet dernier au Parlement européen un séminaire sur la défense européenne. Je n’ai pas noté la présence de M. Weber, qui aurait pu entendre le lieutenant général Marc Thys, naguère vice-chef de la Défense belge, dire que ce qui importe pour les militaires, c’est de savoir qui commande, et M. Jan Pie, Chair of the Aerospace, Security and Defence Industries Association of Europe, dire que ce qui importe pour les industriels, c’est de savoir qui signe les bons de commande.
- Weber devrait enfin réaliser qu’il faut commencer, comme l’a fait le Congrès continental américain en 1775, par désigner un commandant en chef européen qui ne soit plus le président des États-Unis d’Amérique. M. Weber dit bien que la défense européenne est une question de volonté politique et de prise de conscience de ce qui se passe, mais cela reste pour lui purement rhétorique. Il se préoccupe surtout de savoir si nous pouvons mieux dépenser les budgets actuels, mais il ne sait pas pour que faire. Il est ingénieur depuis 1996, mais sa carrière est essentiellement politique, avec peu de contact avec la vraie vie. Je lui avais écrit le 22 janvier 2022 qu’une gouvernance fédérale de l’Europe est la condition sine qua non pour résoudre les problèmes pour lesquels les États membres de l’UE ne disposent plus des moyens nécessaires, en particulier pour assurer notre sécurité et notre défense. Il semble ne pas l’avoir compris.
- Macron persévère dans l’erreur
Partisan en apparence d’une Europe plus autonome, M. Macron nous a tenu bien des discours en ce sens : en 2017, à la Sorbonne et à Athènes, puis au Parlement européen, en 2018 et en 2022. Les années ont passé, et la souveraineté de l’Europe n’a pas progressé. Le 13 mai dernier, sur TF1, M. Macron a souhaité le développement d’un « dialogue stratégique sur la dissuasion nucléaire française dans le cadre de la sécurité collective ». Il a entamé des discussions avec l’Allemagne et la Pologne pour examiner si et comment la France pourrait étendre la dissuasion nucléaire à l’ensemble du continent européen. Il envisage de stationner des armes nucléaires françaises hors de France, comme les Américains le font notamment en Europe et en Turquie, les Russes en Biélorussie, la France à bord du porte-avions Charles de Gaulle. Pour M. Macron, les pays hôtes des armes françaises devraient participer à leur financement, mais leur contrôle resterait entre les mains du président de la République française, alors que les Américains financent seuls les armes positionnées en Europe. Il semble que M. Macron va quitter l’Élysée en 2027 sans avoir fait progresser la défense européenne, ne fût-ce qu’un petit peu.
Un Commissaire européen à la Défense irréaliste
Dans le discours que le Commissaire européen à la Défense et à l’Espace, M. Kubilius a prononcé lors des Conversations de Tocqueville, le 28 juin 2025,[2] il a estimé à juste titre que l’époque où nous pouvions vivre sans une défense européenne commune est révolue, l’Europe étant prise « entre la révolution MAGA et le révisionnisme russe ». Malheureusement, il envisage la voie de l’Union européenne de la défense pour la créer, avec l’article 42, § 2, du traité sur l’UE comme base légale. Je lui ai écrit que c’est totalement irréaliste. Chacun sait que l’article 42, § 2 dispose que : « La politique de sécurité et de défense commune […] conduira à une défense commune, lorsque le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en décidera ainsi. » L’exigence de l’unanimité rend cette disposition inapplicable. L’irréalisme de M. Kubilius ne s’arrête pas là : il espère qu’Ursula von der Leyen, Friedrich Merz, Emmanuel Macron, Keir Starmer, Georgia Meloni et Donald Tusk feront preuve d’un véritable leadership collectif pour assurer l’indépendance de l’Europe et la Pax Europaea. Cela adviendra à mon avis lors des calendes grecques, c’est-à-dire jamais.
Un sénateur clairvoyant
Le 2 juillet dernier, Claude Malhuret, sénateur français indépendant, ancien directeur de Médecins Sans Frontières, déplorait[3] en substance au Sénat de France, que les dirigeants européens, impuissants, prosternés devant Trump à La Haye, sont devenus les commentateurs et non les acteurs des événements. Leur impuissance, c’est l’humiliation des Européens pour le sénateur Malhuret, qui constatait que trois ans après le début de la guerre de haute intensité en Ukraine, onze années après le début des hostilités en Crimée, nous ne sommes pas prêts à dissuader un éventuel agresseur, car nous sommes incapables d’assurer notre défense. Nous n’avons même pas les moyens ni la volonté de soutenir comme il le faudrait les Ukrainiens, qui meurent par dizaines de milliers pour se défendre et pour nous défendre. C’est tragique pour l’Ukraine d’aujourd’hui. C’est tragique pour l’Europe de demain, disait le sénateur Malhuret.
Pour lui, l’urgence est de moderniser, de renforcer et surtout de coordonner la défense européenne, de comprendre que les guerres d’aujourd’hui sont hybrides et que notre retard dans les drones, le numérique, l’intelligence artificielle et la lutte contre la désinformation est encore plus immense que l’insuffisance de notre armement conventionnel. La priorité, pour le sénateur Malhuret, c’est aussi d’arrêter les discours démobilisateurs, assurant que nous ne sommes pas en guerre, alors que les dictateurs sont en guerre contre nous, qu’ils le disent tous les jours et surtout qu’ils la font, sur les réseaux sociaux envahis de trolls, dans nos entreprises ciblées par les sabotages et les cyberattaques, au fond des mers, par la section des câbles sous-marins, dans les airs, par les provocations quotidiennes.
La Commission européenne n’a pas les moyens de sa politique de sécurité et de défense !
L’agenda stratégique 2024-2029 que le Conseil européen a adopté lors de sa réunion du 27 juin 2024 veut renforcer la sécurité et la défense. Présenté en octobre 2024, le rapport intitulé Safer Together : Strengthening Europe’s Civilian and Military Preparedness and Readiness de Sauli Niinistö préconise diverses mesures, mais leur financement doit attendre la mise en place du prochain Cadre Financier Pluriannuel, soit 2028. La question qui se pose au sein de la Cour des Comptes européenne est de savoir si l’UE parviendra à sortir du déficit de mise en œuvre dont elle a trop souvent été victime dans le passé.[4]
Pour une Europe plus autonome
Ce dont l’Europe a surtout besoin, à mon avis, c’est d’une capacité de dissuasion, d’une défense antiaérienne et antimissile, de plus de cybersécurité, de télécommunications satellitaires, d’observation de la terre depuis l’espace, d’intelligence artificielle, de technologies nouvelles, plus respectueuses de l’environnement, de protection de nos câbles, oléoducs et gazoducs sous-marins, de moyens de transport stratégiques, aériens et maritimes. Nous avons aussi besoin de croissance économique et notre industrie de défense devrait plus y contribuer.
Pour ce faire, l’Europe devrait se doter d’un État fédéral et d’un budget de défense qui permettrait de combler nos lacunes capacitair
[1] Marc Peeperkorn, « Manfred Weber: ‘Europa moet defensie onomkeerbaar integreren, zoals de euro dat economisch deed’ » (L’Europe doit intégrer de manière irréversible la défense, comme l’euro l’a fait sur le plan économique) in De Morgen, https://www.demorgen.be/nieuws/manfred-weber-europa-moet-defensie-onomkeerbaar-integreren-zoals-de-euro-dat-economisch-deed~b45121e3/, 16/6/2025.
[2] Voir Speech by Commissioner Kubilius at the Tocqueville Conversations: “The Future of Europe: From Pax Americana to Pax Europeae”,Brussels, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/speech_25_1661, 28/6/2025.
[3] Voir Claude Malhuret, « Situation au Proche et Moyen-Orient » in Les Indépendants, https://www.independants-senat.fr/post/claude-malhuret-situation-au-proche-et-moyen-orient, 2/7/2025.
[4] Voir Jean-Louis de Brouwer, « Towards a Preparedness Union Strategy? Show us the money! » in Journal of the European Court of Auditors, n° 1/2025, https://www.eca.europa.eu/ECAPublications/JOURNAL-2025-01/JOURNAL-2025-01_EN.pdf#page=32, p. 32-34.