Gastbeitrag

Jean Marsia, Präsident der Société européenne de défense AISBL (S€D) und langjähriger Hertensteiner fragt sich im folgenden Gastbeitrag, ob die NATO und die EU der russischen Aggression noch standhalten können?

 

L’OTAN et l’UE sont-elles à même de faire face à la menace russe actuelle ?

L’Union européenne (UE) et l’organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) annoncent vouloir accélérer le déploiement de systèmes de lutte contre les avions de combat et les drones russes, qui violent de plus en plus fréquemment l’espace aérien des États européens. Ces deux institutions sont-elles à même de faire face à l’intensification de la guerre hybride que nous fait Poutine depuis plusieurs années ? Celui-ci ne se contente plus de manipuler les opinions publiques, de perturber les processus électoraux et décisionnels, il teste les capacités militaires des pays de l’OTAN. « Nous ne sommes pas en guerre, mais nous ne sommes plus en paix non plus », a déclaré le chancelier Friedrich Merz à Düsseldorf, le 29 septembre.

Poutine, 73 ans, toujours plus menaçant

Le 2 octobre, Poutine a accusé les Européens d’alimenter le conflit en Ukraine, d’empêcher son règlement et de favoriser une escalade permanente, se disant par ailleurs attentif à la militarisation de l’Europe. Il a dit ne pas accepter que l’Allemagne affirme que son armée devrait à nouveau être la plus puissante d’Europe. Les Russes se souviennent de la Wehrmacht, nous aussi…[1]

Le 7 octobre 2025, jour de son 73e anniversaire, Poutine a réaffirmé dans ses déclarations qu’il n’est pas disposé à faire des compromis pour mettre fin à la guerre. Il me semble présomptueux. Au total, la Russie occupe 115.000 km², soit 19,05 % de l’Ukraine, qui a, cette année 2025, perdu 3.200 km², soit 0,53 % de son territoire, et non 5.000 km², comme l’affirme Poutine. La mythomanie consiste à croire en ses propres mensonges…

Poutine considère, semble-t-il, que les membres occidentaux de l’OTAN ne se sacrifieront pas au profit des membres d’Europe centrale et orientale. Il devrait réviser la géographie européenne. La Hongrie et la Slovaquie ne font pas partie des membres occidentaux de l’OTAN.

Trump, après Anchorage

Avant sa rencontre avec Poutine en Alaska le 15 août dernier, Trump semblait réceptif au point de vue russe, mais Poutine n’étant pas disposé à faire des compromis pour mettre fin à la guerre, la président américain s’est rapproché de l’Ukraine, qui reçoit à présent des renseignements pour les frappes à longue portée contre les infrastructures énergétiques russes. Ces attaques privent la Russie de ressources essentielles pour combattre l’Ukraine et générer des revenus. Poutine pourrait éprouver des difficultés à maintenir son effort de guerre, faute de support populaire. En quelques mois, les drones ukrainiens ont réduit de 38 % la capacité de raffinage russe. Les pénuries d’essence se font sentir, suscitant d’impopulaires restrictions, files d’attente et fermeture de stations-service.

Une succession d’incidents qui n’est pas due au hasard

Le 10 septembre 2025, la Russie aurait envoyé 92 drones vers la Pologne, mais la plupart ont été abattus par l’Ukraine. Sur les 27 drones retrouvés en Pologne, l’OTAN n’en avait détecté que 19 et elle n’en a intercepté que quatre. Elle a fait décoller des avions qui coûtent entre 20.000 et 40.000 euros par heure de vol et tirent des missiles qui valent 1 million d’euros,[2] alors que les drones aériens russes trouvés ne coûtent qu’entre 2.000 et 3.000 dollars.

Le 13 septembre, la Roumanie a signalé la violation de son espace aérien par un drone russe. Les chasseurs F-16 roumains ont escorté l’engin, qui a survolé l’est du pays pendant environ 50 minutes puis a disparu.

Le 19 septembre, 3 avions MiG-31 russes ont violé de peu l’espace aérien estonien au-dessus du golfe de Finlande, pendant environ 12 minutes. L’Italie, qui assurait la police du ciel balte, mais aussi la Suède et la Finlande ont fait décoller des appareils pour intercepter les trois intrus.

Les 27 et 28 septembre, des drones ont survolé des bases militaires et des aéroports au Danemark, ce qui a conduit la France, l’Allemagne et la Suède à lui fournir des systèmes de lutte contre les drones, afin de renforcer la sécurité lors de la réunion du Conseil européen informel de Copenhague des 1er et 2 octobre.

Le 2 octobre, l’aéroport de Munich a été paralysé par un survol de drones, perturbant l’Oktoberfest et la commémoration, le 3 octobre, des 35 ans de la réunification.[3]

Dans la nuit du 2 au 3 octobre, en Belgique, une quinzaine de drones ont été détectés par la police locale au-dessus du camp militaire d’Elsenborn, lors d’un test de routine des équipements de surveillance.[4]

Ces incidents et les réactions de l’OTAN et de l’UE montrent la faiblesse actuelle de la défense antiaérienne et antimissile de l’Europe, qui fut un des points forts de l’OTAN à la fin de la Guerre froide.

Que fait l’Alliance atlantique ?

Le 12 septembre 2025, suite de l’incursion de drones russes en Pologne, l’OTAN a lancé l’opération Eastern Sentry, afin de renforcer ses défenses aériennes de l’Arctique à la Méditerranée, grâce au déploiement de systèmes d’armes britanniques, danois, français et allemands. Elle a étendu ainsi l’opération Baltic Sentry, qui visait, depuis le sommet des Alliés riverains de la mer Baltique du 14 janvier 2025, à renforcer la protection des infrastructures critiques, dont les câbles électriques et de télécommunication en mer Baltique, au moyen de frégates et d’avions de patrouille maritime.

L’OTAN estime qu’elle est prête à se défendre contre de futures incursions russes impliquant des missiles, des avions ou tout autre moyen, mais est-ce vrai ? En juillet 2025, le secrétaire général de l’OTAN estimait que l’Alliance doit augmenter de 400 % ses capacités de défense aérienne et antimissile. Comme les États membres de l’OTAN décident individuellement d’acheter leurs systèmes de défense aérienne, la question se pose de savoir si ces systèmes peuvent être intégrés dans une défense commune.

Selon le général Hodges, ancien commandant de l’armée américaine en Europe, l’OTAN n’est pas préparée à faire face à des frappes quotidiennes de centaines de drones russes. Les Russes ne pensent pas que les Américains vont réagir et ne sont donc pas dissuadés de nous agresser.[5]

Le Conseil européen informel à Copenhague

Les dirigeants européens se sont réunis le 1er octobre afin de discuter de la manière de renforcer la défense commune de l’Europe, sa gouvernance et le soutien à l’Ukraine.

Compte tenu des violations, par la Russie, de l’espace aérien de plusieurs États membres, le président du Conseil européen, M. Costa a dit que pour construire l’Europe de la défense, nous avons besoin d’un contrôle et d’une coordination politiques efficaces. M. Costa semble ne pas vouloir comprendre qu’un contrôle et une coordination sont insuffisants en matière de défense. Pour qu’une défense soit dissuasive, elle devrait inclure une chaîne de commandement politico-militaire complète, légitime et efficiente, ce que seule une fédération européenne pourrait mettre en place. Espérons que nos dirigeants soient plus clairvoyants lors de la prochaine réunion du Conseil européen, les 23 et 24 octobre 2025.

  1. Costa et les dirigeants de l’UE ne perçoivent manifestement pas qu’il est urgent de renforcer notre défense, car ils se fixent 2030 comme échéance. Il me paraît douteux que Poutine attende d’avoir 78 ans pour agir.

Les dirigeants de l’UE ont également discuté des « progrès » accomplis, notamment dans la défense antiaérienne, antimissile et anti-drones, bien que le 10 septembre dernier, sur les 27 drones retrouvés en Pologne, seuls 19 ont été détectés et 4 interceptés. La mythomanie consiste à croire en ses propres mensonges…

  1. Costa a déclaré que les dirigeants soutenaient largement, ce qui ne veut pas dire unanimement, nous verrons pourquoi, les propositions de mur anti-drone européen et de surveillance du flanc oriental de l’Europe, dont il sera question ci-dessous, qu’a formulées U. von des Leyen.

Les dirigeants européens ont ensuite participé à la 7e réunion de la Communauté politique européenne, pour discuter notamment des moyens de renforcer l’Ukraine, de la situation sécuritaire en Europe et de la manière de rendre l’Europe plus forte et plus sûre dans le contexte géopolitique actuel. Des discussions stériles, aucune action n’étant envisagée.

Le mur anti-drone européen d’Ursula von der Leyen

La présidente de la Commission européenne voudrait que l’Europe puisse détecter des incursions étrangères et intercepter les menaces, allant du simple brouillage à la destruction des drones. Elle a proposé de charger l’UE de constituer un mur anti-drones, un réseau de surveillance du flanc oriental, un bouclier de défense aérienne et un bouclier spatial de défense. Cela implique notamment l’acquisition de systèmes de brouillage et de drones intercepteurs, qui nécessitent des opérateurs en nombre suffisant. La défense aérienne devrait comporter des radars et des capteurs acoustiques, qui permettront d’identifier et de caractériser une manœuvre suspecte. La fusion des données acquises par ces radars et ces capteurs acoustiques au sein d’un poste de commandement européen constitue l’un des principaux défis techniques, et le recours à l’intelligence artificielle. Elle a également déclaré que l’exécutif européen suivrait les progrès des États membres dans la réalisation des objectifs visant à renforcer la préparation d’ici 2030 grâce à un nouveau processus de rapport et d’évaluation.

En réponse à ses propositions, la France, l’Italie et l’Allemagne ont rappelé que la Commission n’a aucune compétence en matière de défense : cette tâche incombe à l’OTAN, et non à l’UE.

L’Ukraine, un demandeur d’armement qui devient fournisseur de systèmes d’armes

L’Ukraine a développé de nombreux types de drones aériens qui donnent à l’opérateur la même connaissance de la situation opérationnelle que s’il était à bord, ce qui permet des frappes précises, mais aussi des drones bombardiers lourds de nuit Vampire, des drones navals Magura[6] et plusieurs modèles de drones terrestres, ainsi que les tactiques de mise en œuvre dans une zone de combat en constante évolution.

La capacité de l’Ukraine à produire en masse certains types de drones et son expérience dans leur utilisation au combat seraient utiles pour les Alliés, mais sa production est si nécessaire sur le front qu’elle s’est interdit d’exporter des armes. A présent, elle l’envisage vers les États-Unis d’Amérique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique.

En conclusion

Plus la guerre hybride menée par la Russie s’intensifie en Europe, plus les dirigeants de l’UE semblent incapables de s’entendre sur la manière d’y répondre. Ils ont exprimé leur inquiétude face aux violations répétées de leur espace aérien par des drones survolant les aéroports et les bases militaires européens, et par des avions de combat russes violant leurs frontières, mais ils sont incertains quant à la manière de réagir. Les abattre ? Les escorter hors de l’espace aérien ? Les ignorer ? Utiliser les avoirs russes gelés pour accorder un prêt à l’Ukraine ? Empêcher les exportations de pétrole et de gaz russes ? Fournir à l’Ukraine des missiles à longue portée pour frapper plus profondément à l’intérieur de la Russie ?

Aucun consensus n’a été trouvé à Copenhague, ni sur la question de savoir qui devrait être responsable du renforcement militaire de l’Europe, ni sur la manière de financer la résistance de l’Ukraine contre l’agression russe, ni sur comment faire avancer la candidature de Kiev à l’adhésion à l’UE.

Le nombre fort élevé de participants à ces réunions européennes n’aide évidemment pas à faire primer le bien commun européen sur les intérêts particuliers des États nationaux. Ce serait pourtant indispensable pour que l’Europe puisse exister géopolitiquement dans un monde de plus en plus hostile. Pour qu’elle devienne un État fédéral, la S€D poursuit ses efforts afin d’identifier et d’accompagner le premier gouvernement qui se laissera convaincre d’amorcer le processus fédératif, de constituer une avant-garde d’États membres volontaires pour mettre fin aux doublons qui mobilisent les ressources que l’on pourrait mettre en commun afin de combler nos lacunes en matière de défense. Cela passe par la rédaction et l’adoption d’une constitution fédérale par une Assemblée européenne élue. Le Parlement européen existe, mais il n’exerce qu’une faible partie des attribution d’une Chambre populaire classique.

[1] Marie Jégo, Benjamin Quénelle, « Vladimir Poutine menace l’Europe d’une « réponse très convaincante » si elle persiste à s’armer et à aider Kiev » in Le Monde, https://www.lemonde.fr/international/article/2025/10/03/vladimir-poutine-menace-l-europe-d-une-reponse-tres-convaincante-si-elle-persiste-a-s-armer-et-a-aider-kiev_6644152_3210.html, 3/10/2025.

[2] Voir AFP, “La Russie a envoyé 92 drones en Pologne il y a deux semaines, affirme Volodymyr Zelensky” in RTBF Actus, https://www.rtbf.be/article/la-russie-a-envoye-92-drones-en-pologne-il-y-a-deux-semaines-affirme-volodymyr-zelensky-11607704, 27/9/2025.

[3] Elsa Conesa, Anne-Françoise Hivert, Philippe Jacqué, Philippe Ricard, Jean-Pierre Stroobants, « Avec les intrusions de drones, le conflit entre la Russie et les pays européens change de nature » in Le Monde, https://www.lemonde.fr/international/article/2025/10/07/intrusions-de-drones-les-pays-europeens-constatent-desempares-un-changement-de-nature-du-conflit-avec-la-russie_6644890_3210.html, 7/10/2025.

[4] Voir Gavin Blackburn, « Des drones détectés au-dessus d’une base militaire dans l’est de la Belgique » in Euronews, https://fr.euronews.com/2025/10/03/des-drones-detectes-au-dessus-dune-base-militaire-dans-lest-de-la-belgique, 3/10/2025.

[5] Tim Martin, “NATO needs accelerated counter-drone tech to fend off Russian incursions: Official” in Breaking defense, https://breakingdefense.com/2025/09/nato-needs-accelerated-counter-drone-tech-to-fend-off-russian-incursions-official/?utm_campaign=Breaking%20Defense%20Air%20&utm_medium=email&_hsenc=p2ANqtz–ocs7cr9j_G9lURWy5T4r820eFh2ZLixOXbSEdBh_3RKwogxxsnkl__pdQN5kM5Wnu8IZAkrQd12Ws6DiE5g3g2TWQtg&_hsmi=383540361&utm_content=383540361&utm_source=hs_email, 29/9/2025.

[6] Un Magura V7, armé de missiles Sidewinder, a abattu un chasseur Su-30 russe au-dessus de la mer Noire.

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