Hier finden Sie einen Gastbeitrag von Jean Marsia und François Mennerat, beide in ihrer Rolle als Mitglieder der Société européenne de défense AISBL (S€D), welcher um die geopolitische Bedeutung der Europäischen Union handelt. Jean Marsia wird auch bei den 9. Hertensteiner Gesprächen mit einem eigenen Gesprächskreis vertreten sein.
L’Union européenne, une puissance géopolitique ?
De nombreux politiciens européens me semblent de plus en plus déconnectés des citoyens et des réalités et notamment Mme Mogherini, qui fut Haute Représentante de l’Union européenne (UE). Dans son discours à l’assemblée générale de la section Belgium de l’Union des Européens fédéralistes, qui s’est tenue le 7 juin dernier au Collège d’Europe à Bruges, dont Mme Mogherini est la rectrice depuis 2020, elle a dit en substance que l’UE est une puissance géopolitique.
Selon Mme Mogherini, l’UE est perçue au niveau international comme un partenaire de premier plan et stabilisateur, souvent considéré comme le « partenaire de choix » par les acteurs mondiaux en quête de prévisibilité, de légalité et de coopération. Elle a dit aussi que la complexité interne de l’UE lui permet de mieux comprendre et de relever les défis externes, ce qui en fait un acteur particulièrement fiable dans un monde de plus en plus fragmenté. Pour elle, les principales sources de pouvoir de l’UE consistent en son pouvoir normatif, son soft power et sa crédibilité mondiale, et puis sa monnaie forte et stable. Enfin, elle a souligné la capacité unique de l’UE à maintenir une position centrale sur la scène mondiale, en s’engageant de manière significative avec les acteurs internationaux majeurs et mineurs – un atout stratégique qui rend l’UE « incontournable ».
Qu’est-ce qu’une puissance géopolitique ?
La S€D constate qu’aujourd’hui, l’UE semble peser beaucoup moins lourd sur la scène internationale que la Turquie, parce que celle-ci a une autre conception des sources de pouvoir que Mme Mogherini ; elle est plus conforme à la nôtre.
La puissance géopolitique découle selon nous des facteurs suivants : la superficie du territoire et du domaine maritime ; la population et sa croissance ; l’innovation technico-scientifique ; la force de l’économie, de la production industrielle et du commerce extérieur ; les capacités militaires, en termes d’effectifs, d’équipements et d’opérationnalité, ainsi que les facteurs immatériels, comme les forces morales, l’aptitude à gérer les crises et le soft power. Celui-ci est un utile complément au hard power, il ne constitue pas une source de pouvoir principale comme le pense Mme Mogherini.
La faiblesse de la position géopolitique de l’Europe est pourtant patente dans le contexte actuel de grande instabilité sur la scène internationale. La deuxième administration Trump privilégie les approches unilatérales ou bilatérales ; elle met à mal la gouvernance mondiale multilatérale que les États-Unis d’Amérique avaient fortement contribué à mettre en place après la Deuxième Guerre mondiale. La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a agressé militairement deux pays voisins ; elle viole les principes fondamentaux du droit international et du droit humanitaire ; elle fait une guerre hybride à l’Europe. La Chine veut être la première sur la scène mondiale, économiquement, militairement et politiquement ; elle fait subir à nos industries une concurrence déloyale et elle menace la liberté de naviguer en mer de Chine.
La superficie du territoire et du domaine maritime de l’Europe n’est pas négligeable, mais elle n’est pas non plus gigantesque ; l’Europe n’est que l’extrémité occidentale de l’Eurasie. La population européenne est vieillissante et elle ne représente plus qu’un pourcentage limité de la population mondiale. Faute d’avoir appliqué la stratégie de Lisbonne adoptée en 2000, l’innovation technico-scientifique est bien moindre en Europe qu’en Chine ou aux États-Unis d’Amérique. Les rapports de MM. Letta et Draghi ont une fois de plus mis en évidence le déclassement industriel, économique et financier de l’Europe.
Les capacités militaires des États européens sont considérables en termes d’effectifs, mais l’équipement de notre million et demi de militaires est disparate et l’opérationnalité de nos unités est douteuse, notamment à cause de la vacuité de nos dépôts de munitions. Notre dépendance croissante en matière de défense a été soulignée par M. Niinistö.
Un Conseil européen divisé
L’égoïsme de nos dirigeants fait qu’il s’en trouve quasi toujours au moins un pour empêcher la prise de décision au Conseil européen. Il semble que les trois rapports précités ont été archivés avant que leurs recommandations ne soient suivies par des remédiations.
Quant aux forces morales des Européens, comment pourraient-elles se renforcer en l’absence de vision d’avenir pour l’Europe ? Les membres du Conseil européen se soucient apparemment peu de l’intérêt général des Européens, mais beaucoup des intérêts des États membres.
Les Européens ont dû constater la médiocre aptitude des institutions de l’UE à gérer les crises (financière, monétaire, migratoire, sanitaire, guerre en Ukraine, conflit en Palestine) qui se sont succédées depuis près de 20 ans. A titre d’exemple, rappelons qu’il avait fallu six semaines en avril-mai 2020 pour mettre enfin en œuvre le dispositif d’urgence que réclamait de manière pressante l’Italie. Or ce dispositif avait été organisé en 2002 par le règlement (CE) n° 2012/2002 du Conseil du 11 novembre 2002 instituant le Fonds de solidarité de l’Union européenne, clarifié ensuite le 13 mars 2020 par le Parlement européen et le Conseil « afin de fournir une aide financière aux États membres gravement touchés par une situation d’urgence de santé publique majeure ». Cet épisode est, parmi tant et tant d’autres, une manifestation éclatante de l’incapacité des institutions de l’UE à prendre des décisions en urgence.
Une Commission européenne mêle-tout, mais inefficace
Le Green Deal, censé être l’acquis majeur de la Commission 2019-2024, se limite à un paquet de normes contraignantes supplémentaires qui ont rendu l’énergie plus coûteuse. Mme von der Leyen n’a pas eu les moyens de subventionner la transition verte comme l’ont fait tant les États-Unis d’Amérique du temps de M. Biden que la Chine.
Ce que Mme von der Leyen a réalisé entre 2019 et 2024, c’est la concentration progressive des pouvoirs entre ses mains, au détriment de la présidence du Conseil de l’UE et du Haut Représentant. Elle a évincé le Commissaire français M. Breton qui lui faisait de l’ombre. Elle a divisé les dossiers confiés aux vice-présidents pour qu’ils ne puissent pas agir dans un domaine important sans son accord formel. Elle a néanmoins été nettement mieux confirmée dans ses fonctions par le Parlement européen en juillet 2024 que pour son premier mandat, alors que le programme de la Commission 2024-2029 semble inspiré par Mmes Meloni ou MM. Trump, Musk ou Milei : il consiste à déréguler dans les domaines sociaux, environnemental et numérique… En matière de migrations, Mme von der Leyen poursuit l’action menée avec Erdogan : elle distribue des dizaines de milliards d’euros à l’Égypte et à la Tunisie pour qu’elles empêchent les migrants de quitter leurs pays ver l’Europe. Elle maintient son soutien à Israël. Elle isole ainsi l’Europe des pays du Sud.
Jusqu’à présent, Mme von der Leyen n’a su ni augmenter les ressources financières des institutions européennes, ni renforcer la cohésion et la capacité d’action de l’Union. Elle n’a pas pu renouveler l’opération Next Generation EU et emprunter de façon significative à l’échelle européenne, cette fois pour faire face à la crise énergétique causée par la guerre contre l’Ukraine (RePower EU), pour faire pièce à la Belt and Road Initiative chinoise (Global Gateway) et pour relancer la défense et l’industrie de défense européennes (ReArm Europe). Le programme SAFE de 150 milliards €, adopté le 27 mai 2025, première partie de ReArm Europe consiste en des prêts qui devront être remboursés par les États membres. SAFE permet d’emprunter avec un taux d’intérêt inférieur à ceux imposés aux États, mais dans la plupart des cas, la différence est minime et les pays où elle ne l’est pas sont ceux qui sont déjà surendettés. Le budget pluriannuel européen 2028-2034 risque d’être plus réduit que les précédents, car il devra comprendre le remboursement des emprunts de Next Generation EU.
Quel n° de téléphone faut-il former pour parler à l’Europe ?
Force est de constater que la question posée par Henry Kissinger dans les années 1970 n’a toujours pas reçu de réponse satisfaisante. La représentation extérieure de l’UE n’est l’apanage d’aucune de ses institutions qui, toutes en disposent d’un fragment, ce qui induit en permanence la confusion chez ses interlocuteurs.
L’impuissance Mme von der Leyen fait qu’elle n’est plus crédible, ni vis-à-vis de Poutine, ni vis-à-vis de Trump, ni vis-à-vis des Européens. Il en va de même de son Commissaire européen à la défense, auquel les traités ne donnent aucune compétence dans ce domaine. Mme von der Leyen devrait cesser de se présenter comme si elle était la cheffe d’un gouvernement de l’Europe : elle ne l’est pas. Dépourvue de légitimité démocratique, l’UE n’est pas un État et elle n’a pas de gouvernement. Elle n’est qu’une association d’États qui constitue une zone de libre-échange. Depuis près de sept décennies, la communication des politiciens nous induit en erreur. Ils ont imposé aux citoyens européens des Ersatzd’institutions démocratiques, comme un Parlement européen privé d’une part substantielle des attributions normales d’une Assemblée législative. Il ne suffit pas d’un drapeau, d’un hymne, d’une devise pour établir un État européen.
Chargé par l’art. 15 TUE de « donner à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et d’en définir les orientations et priorités politiques générales », le Conseil européen, constitué des chefs de gouvernements des États membres, veille à ce que les gouvernements et les partis nationaux conservent le véritable pouvoir, ce que démontre l’absence de partis politiques supranationaux, faute de base légale pour en créer un, Volt en a fait l’expérience. Cela empêche tout débat public européen transnational et rend difficile l’émergence d’une opinion publique européenne, qui ne trouve guère que les sondages Eurobaromètres pour s’exprimer.
De sa devise et du principe de subsidiarité, l’UE tend à privilégier le versant « diversité » par rapport à celui d’une unité démocratique. Même dans les domaines présentés comme des modèles de coopération, comme le spatial, le principe « du juste retour » sur les contributions financières des différents États constitue un frein à toute véritable ambition commune et aux efforts pour augmenter l’efficience des dépenses publiques. C’est particulièrement le cas dans le domaine de la défense.
En conclusion
Pour assurer la prédominance du bien commun européen sur les intérêts particuliers des États nationaux, pour que l’Europe puisse exister géopolitiquement à l’échelle d’un monde devenu explicitement et résolument hostile, elle devrait devenir un État fédéral, régi par une constitution établissant clairement et démocratiquement les compétences respectives de ses organes, dans quelque domaine que ce soit, éliminant les empiétements et empêchant les abus de pouvoir.
Les multiples crises précitées auraient dû imposer de remplacer la gouvernance baroque de l’UE, ce mélange de méthodes intercommunautaire et intergouvernementale, par un État fédéral, plus apte à faire face à de tels défis. Jusqu’à présent, il n’en a rien été, mais la S€D poursuit ses efforts afin d’identifier le premier gouvernement qui se laissera convaincre d’amorcer le processus fédératif. Le mois de juin comporte plusieurs anniversaires stimulants : le 17, en 1940, à Chartres, Jean Moulin résistait le premier à l’occupant ; le lendemain, sur la BBC, de Gaulle lançait son appel ; le 20, en 1789, à Versailles, au Jeu de paume, les députés aux États-généraux ont juré de ne pas se séparer sans avoir donné une constitution à la France.